Michel Robert, le numérique : poison et remède
Lors de la conférence d’introduction intitulée « Numérique et vivant, empreintes, paradoxes et enjeux », le public de l’auditorium a assisté à un exposé magistral de Michel Robert. Ce professeur de microélectronique tient la Chaire Responsabilité, Éthique et Impacts des Technologies du Numérique à l’Université de Montpellier (Polytech Montpellier) en partenariat avec Isia, et a dirigé jusqu’à récemment le Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur (CINES).
Usages utiles, usages futiles
Il a présenté les usages utiles du numérique pour la recherche scientifique, la santé (aides au diagnostic, suivi d’infestions post-opératoires, prédictions de maladies par l’intelligence artificielle) ou encore les métiers et services de demain.
Mais il a également rappelé les utilisations futiles que nous en faisons au quotidien (streaming individuel dans un TGV, Métavers, jeux vidéo en ligne, cryptomonnaies, certaines appli d’IA, voiture numérique électrique personnelle autonome non mutualisée) accentuées par le marketing, ce qui provoque un effet rebond obligeant à renouveler de façon incessante les appareils et les technologies d’IA, voire à créer des réseaux de téléphonie 6G et 7G.
Du fait de la hausse de ces usages, la consommation d’énergie des data centers est en croissance exponentielle et nécessite des systèmes de refroidissement ou, bien plus vertueux, de créer des réseaux de chaleur pour alimenter les quartiers avoisinants (comme le réseau de chaleur du quartier Eurêka, à Castelnau-le-Lez, alimenté par le data center d’IBM).
Impacts catastrophiques du numérique en RD du Congo
Michel Robert a également détaillé les impacts catastrophiques du numérique, liés à l’excavation de terres rares dans les mines de la République démocratique du Congo (à raison de 200 kg de terres pour 200 g de smartphone). Ainsi, l’excavation de cobalt a causé jusqu’à présent en RD du Congo 6 millions de morts, 4 millions d’exilés et 6,8 millions de réfugiés internes.
Réduire le futile et le marketing
En conclusion, Michel Robert a appelé à réduire le futile et le marketing lié à l’effet rebond (dans le numérique comme dans la fast fashion). Il recommande d’informer le public, de former la population et des spécialistes et de mesurer les impacts du numérique afin de réguler, modérer et mutualiser ses usages. Faisant appel à la notion de bien commun, il préconise d’éviter les forfaits à usages illimités (« on restreint bien l’usage de l’eau, pourquoi pas celui du numérique ? ») et à repenser les modèles de consommation.
« Imaginer des applications vertueuses, inventer des objets plus utiles et durables est un défi à moyen terme », a-t-il conclu, expliquant que selon lui, « le numérique est à la fois le poison et le remède ».